éolienne

Transition énergétique : l’économie sociale et solidaire favorise l’engagement citoyen

Si le respect de l’environnement est dans les gènes de l’économie sociale et solidaire (ESS), le mouvement est presque absent des débats à l’approche du sommet climatique de paris (COP21). Il est pourtant à même de fédérer des citoyens déjà mobilisés en faveur de la transition énergétique.

 

Laissée à l’abandon depuis 2002, la turbine du barrage de Raon-L’Étape, dans les Vosges, s’est remise à tourner grâce à l’action de 143 citoyens, associés au sein de la coopérative Ercisol. Créée en 2010, cette structure s’est donnée pour mission de réhabiliter les centrales hydrauliques, afin de reprendre la production d’une électricité locale et propre. Le barrage vosgien remis en état de marche produit 1 874 MWh par an, soit l’équivalent de la consommation de 730 foyers.

barrage de Raon-L'Etape
Le barrage hydraulique de Raon-L’Etape a été relancé grâce à la mobilisation de citoyens, soutenus par Energie Partagée.
Energie Partagée

 

À quelque 700 kilomètres de là, dans le Limousin, ce sont les agriculteurs de la CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel agricole) des Monts de Rilhac-Lastours, qui se sont rassemblés pour installer une grande éolienne sur leurs champs. Lancé en 2003, le projet est devenu réalité il y a un peu plus d’un an et permet de produire 3 600 MWh par an, soit la consommation de 1 440 foyers.

Sensibiliser pour faire changer les comportements

Ces deux initiatives ont comme point commun d’avoir été accompagnées et soutenues par une structure de l’économie sociale et solidaire (ESS) : Energie Partagée, qui finance localement des projets. « L’énergie citoyenne ne peut se faire que dans l’ESS », témoigne Justine Peullemeulle, chargée de l’animation nationale. « La transition énergétique dans laquelle nous sommes engagés est une transition économique et démocratique qui correspond aux valeurs portées par l’ESS. »

Historiquement, l’ESS a toujours porté un message de respect de l’environnement. Mais elle reste peu audible dans le débat sur la transition énergétique. Hugues Sibille, président du think tank Le Labo de l’ESS, partage ce constat, mais il ajoute que les structures de l’économie sociale sont néanmoins actives sur le terrain. « Nous sommes très présents sur la sensibilisation des citoyens aux enjeux de la transition énergétique et du réchauffement climatique. Nous avons également des effets significatifs sur la réduction des émissions de CO2 et le changement des comportements, avec des structures qui favorisent les circuits-courts, l’écoconstruction, l’autopartage, le bio, le commerce équitable… »

Changer d’échelle, le véritable défi

Ce n’est que récemment que l’ESS a investi le champ de la production d’énergie renouvelable avec des structures comme Enercoop, un fournisseur d’électricité 100% renouvelable, créé sous forme de coopérative en 2005. « Nous avons lancé un groupe de travail sur la thématique de la transition énergétique. Dans ce cadre, nous allons essayer de voir comment développer l’expérience d’Enercoop à plus grande échelle, et se rapprocher du modèle allemand, qui compte un millier de coopératives citoyennes productrices d’énergie verte », explique Hugues Sibille. « Notre atout, dans l’ESS, c’est de placer le citoyen au cœur de l’action, d’en faire un consomm’acteur et ainsi de le conscientiser. Cela améliore l’acceptabilité, qui pose parfois problème dans les projets d’énergie renouvelable. »

Les structures de l’ESS, en impliquant concrètement le citoyen, pourraient-elles alors devenir un levier de la transition énergétique ? « Les innovations sociales sont le nerf de la guerre », répond Justine Peullemeulle d’Energie Partagée. « La technologie est déjà là. En revanche, ce qui va être décisif c’est la manière dont on va organiser tout cela. Qui aura le contrôle ? Nous pensons que la richesse produite doit revenir aux territoires, qu’il faut relocaliser l’énergie. Pour l’instant, la production citoyenne d’énergie ne représente pas grand-chose mais nous sommes à un tournant. »

L’énorme potentiel, inexploité, de la société civile

Un rapport du CESE, paru en janvier dernier et portant sur le rôle de la société civile dans le changement de l’avenir énergétique, estime le potentiel énorme mais encore inexploité. « Les collectivités, les organisations citoyennes et les particuliers aspirent à passer à la production active d’énergie renouvelable (…). L’instabilité de la politique en la matière et les récentes réformes des cadres réglementaires applicables aux renouvelables ont abouti à créer des incertitudes, faire naître des réticences à engager de nouveaux investissements et susciter une forte inquiétude, parmi les acteurs concernés, quant à l’avenir de l’énergie citoyenne. »

Ce qui est certain, c’est que le mouvement citoyen est en marche. Il y a en France une centaine de projets de production citoyenne d’énergies renouvelables. Et les collectivités ont compris l’intérêt qu’elles avaient à les suivre de près. « Jusqu’ici, les collectivités s’appuyaient sur les structures de l’ESS pour l’insertion par l’activité économique ou le recyclage », note Hugues Sibille du Labo de l’ESS. « Désormais, elles s’appuient aussi sur elles pour la transition énergétique. » La Région Limousin a ainsi participé au financement de l’éolienne des agriculteurs des Monts de Rilhac-Lastours.

 

Source : Novethic