Faut-il changer les règles du dialogue social ?
Historiquement, le système français s’est construit autour de deux piliers : l’étatisme et le corporatisme. Le corporatisme est constitué de règles et de statuts fermés. L’État laisse peu de place aux partenaires sociaux et à la négociation, il légifère sur les relations du travail dans les moindres détails (voir le salaire minimum). Le syndicalisme en France ne s’est pas construit comme un syndicalisme de services, mais comme un syndicalisme politique, un syndicalisme de confrontation et non de négociation.
Dans cette période actuelle de mutation de la société, ce système a du mal à se réformer entraînant crispations, jacqueries, perte de confiance, poujadisme, rejet du politique et montée de l’extrême droite. Une société de services et donc un syndicalisme de services a besoin d’innovation, d’adaptation et de réformes permanentes. Impossible dans une société construite sur des corpus de règles figés encadrant des statuts non évolutifs, sans possibilité de négocier le changement, d’inclure de nouveaux métiers et une organisation du travail plus adaptée. De nouvelles lois viennent changer cet état de fait pour construire les nouvelles règles du dialogue social.
Ou en est- on ?
État des lieux des 3 niveaux d’accords : national, de branches, d’entreprises. En 2014, les accords signés ont été de 28 accords nationaux et avenants interprofessionnels, 951 accords de branche, 36 500 accords d’entreprise. La France compte environ 700 branches professionnelles (hors secteur agricole) dont beaucoup ne fonctionnent plus (peu de salariés, champ en déshérence). Des disfonctionnements existent entre les 3 niveaux. De plus en plus, avec la désaffection de certaines branches par les partenaires sociaux, l’articulation entre la branche et l’entreprise devient défaillante. Au niveau de la loi, on assiste à une instabilité des dispositifs légaux du fait de leur articulation insuffisante avec les accords interprofessionnels. Ces accords sont une sorte de pré-loi, dont l’Etat reprend certaines des dispositions dans la future loi, parfois en les modifiant. Le juridique crée une insécurité et prend de plus en plus de place au détriment des objectifs de l’accord (voir l’accord sur l’assurance chômage).
Règles de la représentativité patronale. Le décret du 13 juin 2015 fixe les règles. Il précise les conditions et les modalités selon lesquelles est mesurée l’audience des organisations professionnelles d’employeurs. Applicable dès 2017, à la suite de la loi sur la formation professionnelle et la démocratie sociale du 5 mars 2014, de nouveaux critères sont fixés, pour être représentatif en tant qu’organisation patronale, au niveau d’une branche professionnelle ou au niveau national et interprofessionnel (voir Clés du social [1].).
Règles de la représentativité syndicale : La loi du 20 août 2008 a fixé de nouvelles règles de représentativité. Elle a fait disparaitre la présomption irréfragable des 5 syndicats confédérés : CGT, CFDT, FO-CGT, CFTC, CFE-CGC (cadres). Aujourd’hui, le syndicat, pour être reconnu, doit remplir un ensemble de critères : le respect des valeurs républicaines, l’indépendance vis-à-vis de l’employeur, la transparence financière, une ancienneté d’au moins deux ans, une audience suffisante aux élections, des adhérents et des cotisations suffisantes. La loi de 2008 a repris aussi la position commune signée par la CGT, la CFDT et le MEDEF et la CGPME. Elle a été complétée par la loi du 18 octobre 2010 pour s’appliquer en 2013. Les règles de la représentativité ont changé. Dans l’entreprise, un syndicat pour être représentatif doit obtenir 10 % des voix et un accord est valable s’il a recueilli la signature de syndicats représentant au moins 30 % de voix et sans l’opposition de syndicats qui en représentent plus de 50 %. Mais au niveau national ou au niveau de la branche, il suffit de 8 % des voix pour être reconnu représentatif.
Changement de comportement ? Ces nouvelles règles ont induit de nouveaux comportements de la part de certains syndicats, dans les entreprises. L’attitude passive ne suffit plus (on ne signe pas car d’autres vont signer). Tout syndicat mécontent de la signature d’un accord peut s’y opposer s’il regroupe 50 % de représentativité. La CGT a signé plus d’accords dans les entreprises depuis la réforme de 2008 et 2010 (près de 85 % contre 94 % pour la CFDT) et elle a signé 35 % des accords de branche. La CGT signe exceptionnellement les accords nationaux mais elle fait en sorte de pouvoir continuer à siéger dans les instances (voir l’UNEDIC). Certains syndicats se méfient des accords interprofessionnels, ils privilégient la loi au contrat. Pour FO et CGT, les syndicats ne doivent pas se substituer au législateur dans le dialogue social (refus de signer certains accords interprofessionnels). La CGT a refusé de participer à la Conférence sociale organisée par le gouvernement le 10 octobre 2015 et elle a refusé de rentrer dans les discussions de l’agenda social 2016 lors de la séance du comité de suivi du 10 novembre 2015, au siège du MEDEF.
La loi relative au dialogue social et à l’emploi (loi Rebsamen) a donné plus de droits aux partenaires sociaux et à leurs représentants (août 2015)
Représentations pour les salariés des PME-TPE, création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI), reconnaissance des parcours professionnels des élus, renforcement du pouvoir des élus et des syndicats, simplifications des missions du comité d’entreprise.
Le rapport Combrexelle propose un renforcement du dialogue social
Renforcer la formation et la sensibilisation au dialogue social, améliorer la méthode de négociation, renforcer la négociation dans les TPE, revoir le niveau des négociations, renforcer le niveau de la branche, instaurer des incitations à négocier.
La Ministre du travail a promis une réforme du dialogue social pour 2016, déjà le gouvernement a annoncé quelques principes
La loi doit se borner à fixer des principes fondamentaux. L’accord doit venir en complémentarité de la loi. Les branches doivent se réorganiser, fusionner pour les plus petites et avoir plus de pouvoir sur la négociation. Il faut renforcer le jeu des acteurs et leur donner plus de pouvoir (loi Macron sur le travail du dimanche, loi Rebsamen). Un rapport a été commandité à Robert Badinter.
Références :
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Source : Les clés du social