Application de la loi ESS : « le devra être amplifié »
La mise en oeuvre de la loi sur l’économie sociale et solidaire votée en juillet 2014 a bien démarré, à tous les niveaux, selon la commission des affaires économiques de l’Assemblée. Pour produire plus rapidement des effets, la dynamique nécessite cependant d’être bien portée, notamment par les nouveaux exécutifs régionaux.
La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a autorisé, le 9 mars 2016, la publication d’un rapport sur la mise en œuvre de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (ESS). Moins de deux ans après le vote de cette loi et quelques mois seulement après la publication des derniers textes réglementaires parmi les principaux attendus, cette évaluation n’a pas porté sur l’impact de la loi, mais sur la façon dont elle est jusqu’à maintenant appliquée.
La gouvernance de l’ESS, d’abord, a été « profondément renouvelée par la loi », a observé Daniel Fasquelle (Pas-de-Calais, Les Républicains), l’un des rapporteurs de ce bilan. Au niveau national, les nouvelles instances ont été mises en place : le conseil supérieur de l’ESS et la chambre française de l’ESS rebaptisée ESS France. L’administration est en cours de rattachement au ministère de l’Economie, suite à la nomination d’une déléguée à l’ESS auprès du directeur général du Trésor.
Des retards dans la définition des stratégies régionales
Localement, l’appropriation de la loi prendra certainement un peu plus de temps, suite à la désignation de nouveaux exécutifs régionaux et à la phase de démarrage des nouvelles grandes régions.
Benoît Hamon (Yvelines, socialiste), qui était ministre de l’ESS au moment de l’élaboration de la loi, s’est dit « assez inquiet » sur la définition des stratégies régionales de l’ESS. « Dans plusieurs régions, il semble que les schémas régionaux de développement économique soient reportés », a-t-il indiqué, en citant en particulier l’Ile-de-France où une conférence de l’ESS aurait également été annulée.
Il est encore « un peu tôt », pour Yves Blein (Rhône, socialiste), second rapporteur, pour juger de la bonne prise en compte de l’ESS dans les stratégies régionales de développement économique ou encore de l’évolution des financements dédiés à l’ESS.
Le dispositif local d’accompagnement : efficace mais sous-dimensionné
Sur l’appropriation des outils prévus par la loi, les rapporteurs constatent des « améliorations significatives » même si, pour Daniel Fasquelle, « le mouvement devra être amplifié ». Il note ainsi que « seules 160 collectivités sont concernées par l’adoption du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables », du fait du seuil de 100 millions d’euros annuels qui définit l’obligation. Une fois que les régions, les départements, les métropoles et les grandes villes et intercommunalités se seront prêtés à l’exercice, il sera peut-être temps d’abaisser ce seuil pour que les plus petites collectivités s’y penchent aussi.
Concernant les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), « le dispositif n’est pas encore complètement stabilisé et il n’est pas à la hauteur des ambitions initiales », a regretté Daniel Fasquelle. « Dans la formulation des appels à projets, il y a une forme de malentendu, la création des PTCE n’est pas forcément liée à l’équation ‘entreprises de l’ESS, entreprises classiques et pouvoirs publics' », a ajouté Yves Blein.
Quant au dispositif local d’accompagnement (DLA), il s’avère, pour les rapporteurs, efficace mais sous-dimensionné par rapport aux besoins d’accompagnement de nombreux porteurs de projets.
Une offre de financement peu adaptée aux petits projets
Les petits porteurs de projet, en particulier, « ont du mal à trouver des financements », selon Yves Blein. Les sources de financement ciblées ESS ne manquent pourtant pas : l’offre de Bpifrance avec notamment le fonds d’innovation sociale (Fiso), les programmes d’investissements d’avenir, l’épargne solidaire – qui représenterait un gisement de près de 7 milliards d’euros pour l’ESS – ou encore le nouveau fonds de 100 millions d’euros géré par la Caisse des Dépôts.
Il importe que ces instruments permettent aussi de soutenir la création de structures, via de « petits tickets », a estimé Benoît Hamon, se faisant l’écho de l' »inquiétude des acteurs » face à l’absence actuelle de réponses à leurs besoins.
Pour accéder à certains de ces financements, l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) est nécessaire, en particulier pour les sociétés dont le statut n’entre pas dans les catégories historiques de l’ESS. Là encore, les rapporteurs observent « des difficultés » dans l’octroi de cet agrément, notamment parce que les sociétés en question doivent, au préalable de leur demande d’agrément auprès des Direccte, être reconnues d' »utilité sociale » par les greffes des tribunaux de commerce. Ces derniers ne seraient pas encore formés à cette procédure, d’où les lenteurs et éventuels blocages.
Des simplifications inachevées pour les associations
En matière de simplification administrative, des progrès concernant les associations sont observés, avec notamment le démarrage du dossier unique de demande de subvention. Pour que la simplification soit effective, selon Yves Blein, la liste des pièces justificatives doit elle aussi diminuer et « tout le monde [collectivités, préfectures…] doit jouer le jeu ».
Autre point évoqué sur les associations : la « difficile émergence des fonds territoriaux de développement associatif ». Prévus à l’article 68 de la loi, ces fonds permettent aux associations de mener des actions communes, notamment en matière de formation et de recherche. Pour que ces fonds décollent, le député Yves Daniel (Loire-Atlantique, socialiste) évoque la possibilité d’une implication des pouvoirs publics.
En attendant la prochaine évaluation, dans un peu plus d’un an, les rapporteurs rappellent « la nécessité que la dynamique lancée par la loi ESS soit poursuivie, ce qui suppose une volonté politique claire et affirmée de faire du développement de ce secteur une priorité politique ».
Caroline Megglé
Source : Localtis