Photo La Croix paru le 11 janvier 2019

Le gouvernement nous met de côté et c’est regrettable

Le président de l’Union des employeurs de l’ESS (UDES) Hugues Vidor compte profiter du Grand débat pour faire passer ses messages. L’Udess 05 partage son constat : l’ESS est déconsidérée. La grave crise sociale que traverse le pays doit annoncer un tournant dans sa politique en faveur des entreprises sociales et solidaires.

Interview réalisé par Emmanuelle Souffi publié le 19 janvier 2019 par le Journal du Dimanche (JDD)

Allez-vous jouer un rôle dans le déroulement du grand débat ?
En décembre, nous avons été reçus par le Président de la République, puis à Matignon la semaine dernière. A chaque fois, nous avons réaffirmé l’importance de prendre en compte les situations de précarité, de fragilités et de tensions sociales. En tant qu’acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), nous jouons un rôle dans la cohésion de notre pays car nous intervenons sur les aides et soins à domicile, l’insertion, l’émancipation citoyenne… Nous sommes des acteurs de terrain qui apportons des réponses sociales et économiques. Développer les politiques sociales est un investissement et non pas une charge car cela bénéficie à la société tout entière. Souvent, nos entreprises sont les dernières à être présentes dans des endroits désertés par la puissance publique. Elles sont un lien fort avec la population, elles répondent à la question du sens au travail. Par rapport au capitalisme classique, nous nous inscrivons dans une logique différente, au travers d’une autre pratique de la démocratie interne, du partage des richesses, de missions d’intérêt général et d’utilité sociale. C’est en cela que notre parole est importante à prendre en compte.

Ces consultations citoyennes vous paraissent-elles utiles ?
Nous vivons un moment clé. Dans une société qui se mondialise et se numérise, des fractures émergent. Il est nécessaire de refonder notre pacte social. Parler, écouter et s’écouter, est primordial.

60.000 contrats aidés vont être supprimés en 2019 dans le secteur de l’ESS

Mais comment dessiner des solutions communes avec des revendications souvent individuelles ?
La synthèse demandera beaucoup d’agilité. Le fait que ces débats soient organisés sur les territoires de manière ascendante et non pas descendante est intéressant. Nous y participerons donc afin de faire passer nos messages. A l’issue, nous avons demandé à ce que le Premier ministre nous fasse une restitution, ainsi qu’à tous les corps intermédiaires, comme lorsqu’il avait donné le coup d’envoi le 10 janvier. Édouard Philippe n’a pas l’air d’y être opposé.

Vous avez été malmenés par la réduction du nombre de contrats aidés…
150.000 ont été supprimés en 2018, 100.000 le seront en 2019. 60.000 concernent directement le secteur de l’ESS. Des associations sont contraintes de devoir fermer partiellement ou totalement des services, leur équilibre économique est remis en cause. Elles ont dû dire à des salariés qu’elles connaissaient bien que leur contrat n’était pas renouvelé après leur avoir laissé penser le contraire. Tout cela crée de l’incompréhension et de la défiance entre les employeurs de l’ESS et l’État.

Nous représentons 10% du PIB français

Le Pacte de croissance de l’ESS lancé fin novembre est-il une réalité ?
Nous avions demandé à ce que 15% de la commande publique soit fléchée sur l’ESS or seule une plateforme de référencement va être mise en place, il n’y a toujours pas de crédit d’impôt… Bref, ce plan ne va pas assez loin. Globalement, on est au milieu du gué. Les engagements pris dans le cadre du Pacte de croissance de l’ESS (notamment les 900 millions d’euros liés à la baisse des cotisations sociales) devront être a minima respectés et ne pas être repoussés.

L’ESS est-elle toujours un secteur économique de seconde zone pour certains politiques ?
Nous représentons 10% du PIB français, 12,7% des emplois et près de 200 000 entreprises. Et pourtant, nous ne sommes toujours pas présents dans certaines instances de dialogue social, comme France compétences. Le gouvernement nous met de côté et c’est regrettable pour ne pas dire inacceptable. La grave crise sociale que traverse notre pays doit annoncer un tournant dans sa politique en faveur des entreprises sociales et solidaires.

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Pour compléter, le point de vue « local » de l’Udess 05

L’ESS est-elle mieux considérée sur un territoire comme les Hautes-Alpes où elle fournit plus de 6000 emplois, soit près de 20 % des emplois privés ?
Effectivement, l’apport des entreprises sociales et solidaires dans l’économie des Hautes-Alpes est plus important que dans les autres départements de la région et se situe même parmi les premiers en France.
De plus, les entreprises sociales et solidaires des Hautes-Alpes ont su se doter d’un organe de représentation, l’Udess 05, qui est maintenant connu et reconnu.
Cependant, comment expliquer qu’une organisation territoriale qui représente 850 établissements fournissant plus de 6000 emplois fonctionne sans financement public ? sans un seul salarié ?
Comment expliquer que lorsque les pouvoirs publics réunissent les acteurs économiques pour parler développement ou attractivité du territoire, l’ESS est systématiquement oubliée ?

Les entreprises sociales et solidaires des Hautes-Alpes partagent le constat du président de l’UDES : l’ESS n’est pas correctement considérée. Depuis plus de dix ans, elles agissent localement pour que ça change !