Entreprises de l’ESS : quels sont vos droits et vos devoirs ?

Les entrepreneurs sociaux du Mouves veulent faire reconnaître la notion d’intérêt général aux entreprises commerciales de l’Economie sociale et solidaire.

 

Les contours de l’Economie sociale et solidaire (ESS) se dessinent peu à peu. Au 1er janvier 2016, elle prenait ses marques au sein du ministère de l’Économie. Le secteur représente 10 % de PIB et 2,36 millions de salariés, en prenant en compte le secteur médico-social et les banques coopératives. De nouveaux textes d’application de la loi de juillet 2014, qui donnait une existence légale à cette économie spécifique, sont entrés en vigueurs au début de l’année. Mais alors que le statut d’entreprises commerciales de l’ESS se précise, quels sont aujourd’hui leurs droits et leurs devoirs ? « Entreprendre dans l’ESS, cela signifie développer une entreprise dont l’objet concerne le social, l’environnement ou encore le sanitaire », rappelle Christophe Itier, président du Mouves (mouvement des entrepreneurs sociaux), qui rassemble aussi bien des dirigeants d’associations que d’entreprises. L’un des principes de base repose sur la « lucrativité limitée ». Le profit n’est pas le but en soi. « Selon la loi Hamon de 2014, s’il y a des bénéfices, ils doivent être réinjectés dans l’entreprise au service de la problématique sociale. » Autre devoir : le respect du principe de gouvernance démocratique. « Les salariés participent à la gouvernance de l’entreprise dans les statuts associatifs, coopératifs, mais pas seulement. Il en est de même dans l’ESS au sens large. » Sur l’échelle des rémunérations enfin, le rapport entre le plus bas et le plus haut salaire ne doit pas être supérieur à 10.

20 millions d’euros apportés par le Fonds d’innovation sociale

Les droits des entreprises de l’ESS sont, en revanche, toujours en cours de définition. BPI France se mobilise pour soutenir les entreprises qui relèvent de ce champ de l’économie. « L’un des volets de notre action consiste à s’assurer que les entreprises de l’ESS ont accès aux dispositifs généraux offerts par BPI France », souligne Guillaume Mortelier, directeur de la stratégie de la banque d’investissement. Pour intégrer les besoins spécifiques des entreprises de l’ESS et les accompagner dans leur développement à leur création, BPI France a complété ces outils par d’autres dispositifs spécifiques. Par exemple, le Fonds d’innovation sociale, développé avec des partenaires tels que France Initiative et les régions, permet d’apporter un financement, sous forme d’avances récupérables ou de Prêt à taux zéro pour l’innovation, à hauteur de 20 millions d’euros. Les premiers projets ont été financés fin 2015. « Dans une logique de changement d’échelle de l’ESS, le fonds Impact Coopératif a été créé pour investir aussi bien dans les coopératives que les associations, ajoute Guillaume Mortelier. Le budget, de 74 millions fin 2015, devrait être porté à 100 millions. »

Un nouvel agrément : Esus

Outre cet enjeu financier, le Mouves souhaite étendre les droits des entrepreneurs sociaux à d’autres problématiques. Car selon le président, l’environnement n’est pas encore optimal pour le développement de l’ESS. L’un des combats actuels consiste à élargir la notion d’intérêt général à toutes les entreprises du secteur, et non plus seulement aux acteurs historiques : associations, coopératives ou fondations. « Nous avons une vision inclusive de cette notion. Elle ne doit pas être réservée aux anciens modèles. Les problématiques de la société française peuvent être traitées par des organismes au modèle économique pérenne, et financées par des fonds publics, commerciaux ou hybrides. Les lignes sont en train de bouger mais il y a encore des réticences.» Un décret du 25 juin 2015 a créé l’agrément Entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) pour permettre aux nouvelles structures de l’ESS de bénéficier d’aides et de financements spécifiques, notamment l’accession à l’épargne salariale solidaire et les réductions fiscales. Pour obtenir cet agrément, des conditions sont requises telles que la recherche de l’utilité sociale. Les titres de capital de l’entreprise ne doivent pas non plus être négociés sur un marché financier. « Lorsqu’une entreprise obtient l’agrément Esus, elle a cinq ans pour se mettre aux normes de l’ESS si elle a plus de trois mois d’ancienneté, deux ans si elle a moins de trois mois. Aujourd’hui, tout est encore en train de se mettre en place », précise Christophe Itier.

Du lobbying auprès de l’Assemblée

Pour faire entendre leur voix, les entrepreneurs sociaux du Mouves exercent une action de lobbying au niveau du législatif et de l’exécutif, notamment vis-à-vis de la loi sur l’égalité et la citoyenneté, votée à l’assemblée le 6 juillet 2016. « Tout organisme de l’ESS doit pouvoir accueillir des jeunes en service civique. Ce serait une manière de faire découvrir l’économie sociale. La clé d’entrée pour savoir si on peut ou non recourir au service civique doit être celui de l’Esus. »
Dans la même ligne, le Mouves souhaiterait une redéfinition de la circulaire fiscale pour que les entreprises de l’ESS puissent aussi bénéficier des actions du mécénat. « Il est défini par l’administration fiscale sur un périmètre ancien qui n’est pas celui des Esus. L’État reconnaît l’intérêt général par une loi cadre. Il faut que les entreprises qui sont labellisées puissent en bénéficier. Cela permettrait de créer un État providence 2.0, affranchi des financements » Pour aller dans ce sens, le président du Mouves souligne aussi la nécessité de créer des indicateurs pour mesurer l’impact des entreprises sociales et justifier son action. De septembre à décembre, les adhérents du mouvement seront consultés pour définir les priorités pour le développement de l’ESS dans l’objectif de la présidentielle.

Source: Les echos